retour au menu Google : le spectre du monopole 

Article de Frédéric FILLIOUX publié le 23 février 2009 sur www.e24.fr [lien]
Copie de l'article :
Le plus gros acteur de l'internet est clairement dans le collimateur de la nouvelle administration Obama qui pourrait déclencher son arsenal antitrust. En cause, la "boîte noire" sur laquelle est construire son modèle économique.
Les propos remontent au mois de juin dernier lors d'un forum de l'American Antitrust Institute. Ce think tank de Washington avait invité une avocate, Christine Varney, ayant à son actif quelques causes célèbres en matière d'abus de position dominante. Elle avait défendu les positions de Netscape (le premier navigateur internet) face à Microsoft, et d'autres entreprises comme Ebay ou MySpace. Joli CV.
Aussi, lorsqu'au cours d'une table ronde elle déclare à propos des abus de position dominante que la sphère économique va "continuellement voir en Google un problème potentiel ", lequel détient, selon elle, "un monopole sur la publicité en ligne", chacun pense qu'elle est dans son rôle de croisée anti monopole et personne ne prête attention à ses propos. Jusqu'à la semaine dernière, lorsque Barack Obama la présente comme son choix pour diriger la division anti-trust au ministère de la Justice. Dès lors, sa petite phrase d'il y a huit mois a fait ressurgir le spectre d'une action du gouvernement des Etats-Unis pour casser la position dominante prise par un acteur clé de la haute technologie.
Le cas de référence est évidemment l'action contre Microsoft lancée par l'administration Clinton en 1998. A l'époque il était reproché à la firme de Bill Gates d'utiliser sa domination absolue dans le système d'exploitation des PC (90% de parts de marché pour Windows) pour imposer ses applications, à savoir Office et du même coup son navigateur Internet Explorer. La procédure avait duré des années sans changer grand chose. Microsoft a été contraint d'entrouvrir sa forteresse pour que d'autres éditeurs de logiciels bénéficient d'un mince filet d'oxygène pour survivre. (On a parfois tendance à l'oublier, mais Microsoft reste à ce jour une des plus formidables cash machiné du secteur, réalisant onze fois plus de bénéfices que Google).
Google est-il dans une position comparable à celle de Microsoft il y dix ans ? S'agit-il d'un monopole qui mérite d'être démantelé comme le furent la compagnie de téléphone AT&T en 1982 ou la Standard Oil en 1911?
Première différence de taille : la part de marché (70%) de Google sur la recherche d'information sur le net ne pénalise pas l'utilisateur de base. S'il veut prendre un autre moteur de recherche, libre à lui. Par ailleurs, des milliers d'entreprises utilisent d'autres systèmes de recherches pour leurs bases de données internes ou leurs sites web. Ce n'était pas le cas pour l'utilisateur d'un PC voulant installer les logiciels Linux et Open Office par exemple, ni pour le revendeur voulant commercialiser une machine sans Windows.
La vraie question est la domination de Google sur la publicité qui prend, il est vrai, des proportions inquiétantes. Et le dossier est inextricable car d'une très grande technicité. Essayons de simplifier.
L'essentiel des revenus de Google vient de ce qu'on appelle les AdWords. Exemple: je fabrique des skis en carbone ultra haut de gamme. L'internet est mon vecteur principal de commercialisation. Je veux donc que mon site apparaisse au top des résultats des recherches que les internautes vont faire sur Google. Pour cela, je vais acheter auprès de Google des mots-clés tels que "skis carbone", "ski compétition", "ski performances", etc. Comme d'autres marques veulent le même emplacement, je suis soumis à un système d'enchères. Plus mes mots-clés sont demandés plus le prix augmente. Simple ?
Pas si simple. Car je ne suis pas en face d'un système transparent ou même simplement équitable. Dans le cas des mots-clés achetés, le prix le plus élevé ne garantit pas le placement en tête de pages de résultats. Pas plus que la seconde enchère ne garantit une seconde place. On n'est pas sur eBay ou à l'hôtel Drouot. Ici, le prix que propose de payer l'enchérisseur n'est qu'une composante du résultat. Le reste - l'essentiel - est arbitrairement contrôlé par Google sous la forme d'un algorithme mathématique qui va intégrer d'autres facteurs. Chaque enchère est passée à la moulinette d'un "Quality Score," made in Google. Que contient-il ? "Il est déterminé par le taux de clics sur le mot-clé, la pertinence du texte publicitaire, la qualité de la page vers laquelle le texte renvoie, et d'autres facteurs pertinents", a indiqué Google au site The Register l'un des plus actifs sur le sujet.
L'évidence s'impose : les notions de "qualité", et autre "pertinences" sont pour le moins vagues. C'est le côté obscur de la force Google. Personne ne sait ce que renferme sa boîte noire. Son "Quality Score" est un instrument d'un arbitraire absolu. Car non seulement il influe sur le rang d'un placement d'un texte publicitaire de façon bien plus déterminante que le système d'enchères, mais il a aussi un impact sur le prix minimum d'une enchère. Si, avec mes skis High Tech, je n'ai pas un "Quality Score" élevé - pour une raison que seul Google connaît - non seulement ma "box" ne sera jamais bien placée quelle que soit mon enchère, mais je paierai un prix prohibitif à la seule discrétion du système. Google ne s'en cache d'ailleurs pas. Commentaire d'Hal Varian, l'économiste en chef de la firme sur le blog de la maison : "... En gros, une pub qui a un Quality Score deux fois supérieur à une autre, obtiendra tendanciellement deux fois plus de clics, et devra payer deux fois moins par clics que la pub concurrente". (Ce point de vue candide, mais qui a le mérite de la sincérité, avait repéré par The Register, mais a été retiré du blog officiel de Google).
En d'autres termes, plus une marque a du succès, moins elle paie cher ses placement sur Google. Avec mes skis, je peux très bien perdre une enchère en ayant mis 5 dollars sur table contre seulement 20 cents pour le "gagnant" du même mot-clé. Malheur aux petits! D'ailleurs des analyses ultra-documentées réalisées par des sites spécialisés dans le suivi des pubs sur Google, démontrent que 80% des "impressions" (pubs vues par les internautes) sont capturées par seulement 3% des annonceurs. Le mythe de la publicité en ligne démocratisée est sérieusement écorné : Google a certainement plus d'un million d'annonceurs, mais quelques uns sont beaucoup, beaucoup, plus égaux que d'autres.
Tout système technologique de Google est basé sur une opacité totale. Parfois pour de bonnes raisons d'ailleurs: à chaque fois qu'un élément de la mécanique est décrypté, les tricheurs surgissent et tentent de la détourner à leur profit. Mais le fait est que Google utilise aussi sa "boîte noire" pour optimiser ses revenus, traduisez : augmenter ses prix sans que personne ne s'en rende compte (si ce n'est lors de la publication des résultats trimestriels, lorsque toutes les entreprises affichent une mine blafarde et que Google conserve un teint frais).
Mais, vont rétorquer les tenants du marché libre, votre marchand de ski d'élite n'est pas tenu d'aller placer ses publicités chez Google, non ? Il peut toujours aller voir les concurrents... Vrai. Si ce n'est qu'avec 70% à 80% du marché de la pub lié aux mots-clés sur le Net détenu par Google, la notion de concurrence devient diaphane. Google avait d'ailleurs tenté de prendre la part restante au moyen d'un accord avec Yahoo! qui a encore un semblant d'existence sur le secteur. Mais le département de la Justice avait promis d'intenter une action pour bloquer l'accord. Google avait renoncé, non sans clamer qu'il aurait gagné haut la main s'il avait croisé le fer juridique avec le gouvernement. Il est vrai que ce n'était pas la perspective d'une bataille juridique coûteuse qui a fait reculer le géant du net. Simplement, il lui aurait fallu lever le voile sur la magie noire et mathématique qui a fait sa richesse. Celle-là même qui revient comme un fantôme avec la menace voilée de la Dame antitrust du ministère de la Justice.



Pour la sauvegarde de nos libertés futures : Lien vers un moteur de recherche qui est peut-être la solution pour mettre un frein à la très dangereuse position de quasi monopole du géant américain. Voir aussi l'article sur le sujet.

http://fr.yauba.com Si vous vous demandez pourquoi Google "se diversifie" tous azimuts en urgence, voilà la réponse. Yauba est un tout nouveau moteur de recherche qui va mettre en pièces le géant américain... Lancé en version "béta" en mars 2009, il a déjà indexé plus de 30 milliards de pages ! ! ! ... Testez le et n'omettez pas d'aller visiter sa page de présentation.
D'autres moteurs à connaître, tester, et faire connaître :
Moteur de recherche américain, interface de base en français, le reste en anglais. La présentation des résultats est un peu déconcertante. Ce moteur se veut "the world’s biggest search engine" et prétend indexer 124 426 951 803 pages (au 27 mai 2009) ...
Il s'agit d'un Métachercheur, c'est à dire qu'il utilise les ressources des autres moteurs de recherche. Quel intérêts ? Ixquick filtre pour vous les informations que les moteurs recueillent sur votre usage du net. Lire cette page.
Yacy est tout à fait original. Il fonctionne sur le principe du Peer-to-Peer. Il n'y a donc pas de serveur dédié. Les recherches se font directement d'ordinateurs à ordinateurs. En cours de développement. Interfaces en allemand et en anglais. Nécessite l'installation d'un petit logiciel. Certainement la solution la plus prometteuse pour l'avenir.